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Fauré, Ravel, Enesco, Boulanger

Fauré, Ravel, Enesco, Boulanger, Gaëtane Prouvost, Dana Ciocarlie, Label EnPhases, produit par UNIK ACCESS

Fauré, Ravel, Enesco, Boulanger

Gaëtane Prouvost, Dana Ciocarlie

1CD - Label ENPHASES (ENP012)
Sortie le 20/10/2023 Distribution OUTHERE

Enregistré au Studio Stephen Paulello, 2023

Prise de son / Direction Artistique / Montage
Franck Jaffrès / Unik Access

Gaëtane Prouvost, violon
Dana Ciocarlie, piano
Mara Dobresco, paino (#3 #4 #5)

 

Lili BOULANGER 1893-1911 
1.Nocturne 
2.Cortège 

Georges ENESCO 1881-1955 
Pièces pour violon et  quatre mains 
3.Pastorale 
4.Menuet Triste 
5.Nocturne 

Maurice RAVEL 1875-1937 
6.Sonate opus posthume 
7.Pavane pour une infante défunte 
8.Berceuse sur le nom de Fauré

Gabriel FAURÉ 1845-1924 
Sonate op.108 
9.Allegro non troppo 
10.Andante 
11.Allegro non troppo

On connaît bien Gabriel Fauré le compositeur mais peu le pédagogue. Cet enregistrement  a pour but de  mettre en valeur son rayonnement  en France et en Europe lorsqu'en 1896, prenant la succession  de Massenet, il devient professeur au conservatoire de Paris. 

Le programme de ce disque souhaite réunir l'une des œuvres  de sa dernière période et des compositions de ses illustres élèves:  Ravel, Boulanger et Enesco.

J.S. BACH : 6 Suites - Valérie AIMARD, violoncelle

FAURÉ ET LES SIENS (Texte du livret de Jacques Bonnaure)

En 1896, Jules Massenet ayant démissionné de sa classe de composition du Conservatoire pour se consacrer à son œuvre lyrique, fut remplacé par Gabriel Fauré. A 52 ans, le compositeur était alors ‘ inspecteur de l’enseignement musical ’, poste fatigant mais modeste. Ses candidatures à l’Institut et à la fonction de critique musical du Figaro avaient échoué, et bien qu’il fût honorablement reconnu dans le milieu musical, sa carrière piétinait quelque peu. Il conserva sa classe de composition pendant neuf ans, avant d’être nommé Directeur du Conservatoire. Parmi ses élèves, quelques-uns des meilleurs talents de la jeune génération dont Maurice Ravel, George Enesco, Florent Schmitt, Charles Koechlin… A en croire de nombreux témoignages, il fut toujours soucieux de ne pas étouffer leur créativité. La pratique pédagogique de Fauré était fondée sur la transmission d’une approche de la musique dont il avait bénéficié lorsqu’il était élève de l’Ecole Niedermeyer. Cet établissement avait pour but de former des maîtres de chapelle au contact des grands maîtres du passé, notamment Bach, Haendel et les polyphonistes du XVIe siècle. D’où un apprentissage approfondi du chant grégorien, du contrepoint, de la modalité et de ses conséquences pour l’harmonie – ce dernier point sera capital pour lui et ses élèves car il élargissait le champ de l’harmonie traditionnelle. Et de fait, dans leur diversité, aucun d’entre eux n’a composé à la manière du maître. 

En 1897, Maurice Ravel (1875-1937), son élève depuis peu, composait une Sonate pour violon et piano en un mouvement, créée au Conservatoire par le tout jeune George Enescu au violon et le compositeur au piano. Cette œuvre du plus vif intérêt ne fut éditée qu’en 1975. Il est vrai qu’elle diffère absolument de l’image que l’on a généralement du compositeur et que Ravel lui-même n’a pas souhaité l’inscrire dans son catalogue. Son mouvement unique (Allegro moderato) est animé d’une expressivité post-romantique proche de l’esthétique des disciples de César Franck. Proche du ‘franckisme’ également, l’ampleur des développements et l’art de déduire une grande forme d’un matériau modeste (une cellule de huit notes exposée dès le début). Peut-on y déceler quelques signes d’une influence fauréenne ? On l’a dit mais c’est moins évident, sauf pour le charme mélodique des idées musicales, notamment la première, qui fait figure de leitmotiv structurant toute l’œuvre. 

Deux ans plus tard, il dédiait la Pavane pour une infante défunte à la Princesse de Polignac, ce qui atteste son insertion au plus haut niveau du grand monde musical. Plus tard, il se montrera assez sévère envers ce  morceau devenu presque populaire dont il regrettait la forme trop classique et l’influence trop marquée de Chabrier (il en donnera cependant en 1910 une version orchestrale et l’on entendra ici une transcription pour violon et piano du célèbre violoniste Paul Kochanski). Le succès de la Pavane s’explique pourtant aisément par la simplicité et la clarté de la forme et la pure beauté du matériau mélodique. 

En 1922, Henry Prunières, le directeur de la Revue musicale invitera plusieurs anciens élèves de Fauré (Schmitt, Enesco, Roger-Ducasse, Koechlin) à composer une pièce brève en hommage au vieux maître. Ravel offrit sa Berceuse sur le nom de Fauré. Le motif principal transpose les lettres g.a.b.r.i.e.l.f.a.u.r.é en notes, selon la notation anglo-saxonne. C’est une tendre mélodie sans fin que déroule le violon, sur un accompagnement très léger du piano. Par moments seulement quelques dissonances très douces viennent pimenter la mélodie, avant que la pièce ne s’achève très calmement. Dans sa modestie, cette Berceuse marque l’évolution de Ravel vers une musique plus linéaire, une tendance que l’on pouvait aussi déceler dans quelques œuvres tardives de Fauré. 

Lili Boulanger (1893-1918) ne fréquenta pas la classe de Fauré mais reçut de lui des leçons privées, le compositeur étant lié avec son père, le compositeur Ernest Boulanger, prix de Rome en 1835. Dans Nocturne et Cortège sont juxtaposées deux pièces, très complémentaires, d’époques différentes. Le Nocturne date de 1911. C’est une pièce rêveuse que l’on a pu associer à un courant musical impressionniste, en raison de son harmonie subtile mais la jeune compositrice y fait preuve d’un beau sens mélodique. Trois ans plus tard, alors qu’elle séjournait à la Villa Médicis, après avoir remporté le Prix de Rome, elle composa le bref Cortège, page enjouée et optimiste, à l’écriture violonistique très brillante, dédiée à la violoniste Yvonne Astruc. 

Le Roumain George Enescu (1881-1955), outre ses qualités de violoniste prodige, fut l’un des élèves les plus doués de Fauré. En 1900, lorsqu’il écrit Pastorale, Menuet triste et Nocturne, il sort à peine de l’adolescence, et si sa personnalité ne s’est pas encore révélée, il est déjà en pleine possession de ses moyens techniques. La Pastorale (doucement balancé) déroule une longue mélodie teintée de modalité. Le Menuet triste (Modéré) ne pastiche pas la danse baroque mais témoigne d’une préoccupation néo-classique, assez fréquente à cette époque. Le Nocturne (Très lent et rêveur) est d’inspiration franchement romantique, avec un bref épisode central violent et passionné. 

La Sonate n°2 en mi mineur de Fauré n’a jamais connu la même notoriété que la première, antérieure de quarante ans. Il est vrai que le contenu en est, de prime abord, moins facile d’accès – mais elle nous paraît aujourd’hui, d’une originalité plus accusée et bien caractéristique de la dernière manière du compositeur. Il semble que Fauré ait profité des avancées harmoniques de ses élèves. Sa Sonate fut mise en chantier au cours de l’été 1916, lors d’un séjour à Evian. 

L’Allegro non troppo initial semble partir des profondeurs du registre grave du piano, plein de sombres martèlements. Le second thème, en revanche, lumineux et sensuel, semble nous rappeler le Fauré d’autrefois. Tout le mouvement sera tendu entre ces deux pôles. On a pu comparer le climat général du mouvement lent (Andante) aux œuvres ultimes de Mozart ou Schubert. Abstraction faite de la différence du style, on se trouve dans tous les cas dans un monde affectif que l’on ne saurait qualifier d’heureux ou de triste, un monde sonore au-delà de sentiments. Fauré a réutilisé, en le modifiant, un thème de sa Symphonie en ré mineur inédite, bien antérieure, ce qui provoque une tension entre des idées mélodiques bien dessinées, venues du passé et un discours assez complexe, plus contemporain. Dans le finale (Allegro non troppo) on ne sent jamais l’effort, car l’exposé des trois thèmes s’y fait avec une parfaite fluidité et les développements paraissent limpides, alternant entre des épisodes tour à tour délicatement mélodieux et vigoureux avec, peu avant la fin, un lumineux retour du deuxième thème du premier mouvement.

Gaëtane Prouvost, Dana Ciocarlie

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